107,5 millions d'euros. C'est le budget alloué au projet de réaménagement prévu pour le quartier de la Reynerie à Toulouse. Il s'agit de l'un des plus vastes projets urbains de la Ville Rose et vise à désenclaver le quartier tout en amorçant sa transformation en créant plus d'infrastructures et de services de proximité. Le volet logement n'est pas en reste, puisque 1 206 logements neufs seront également construits. Déclaré d'utilité publique le 29 décembre 2023, le projet a obtenu le feu vert de Toulouse Métropole à l'issue d'une enquête publique. Zoom sur cette opération d'envergure.
Histoire du quartier
Dans les années 1960, face à une croissance démographique rapide, la ville de Toulouse lance le projet du Mirail, conçu par les architectes Georges Candilis, Alexis Josic et Shadrach Woods. L'objectif est de créer une "ville nouvelle" moderne, capable d'accueillir jusqu'à 100 000 habitants. Le quartier de la Reynerie est planifié pour offrir des logements spacieux et lumineux, intégrés dans un environnement pensé pour favoriser les interactions sociales.
Le nom "Reynerie" provient d'une "folie" construite en 1781 par Guillaume Dubarry, un pavillon de style Louis XVI situé sur une propriété de 60 hectares, aujourd'hui connue sous le nom de château de la Reynerie. Ce domaine, avec son parc et son lac, constitue encore un élément patrimonial important du quartier.
Au fil des décennies, la Reynerie connaît des mutations significatives. Initialement peuplé par des classes moyennes, le quartier voit sa composition sociale évoluer, avec l'arrivée de populations plus modestes et diversifiées. Des défis socio-économiques émergent, notamment en matière d'emploi, d'éducation et de sécurité. Ces enjeux conduisent à la mise en place de politiques publiques visant à revitaliser le quartier et à améliorer la qualité de vie de ses habitants.
Avec environ 8 000 habitants et près de 2 700 logements, dont 85 % sont des habitations à loyer modéré, le quartier a progressivement souffert de problèmes d'enclavement, de dégradation du bâti et de difficultés socio-économiques. Ces défis ont conduit les autorités locales à élaborer un plan de renouvellement urbain ambitieux, destiné à requalifier les espaces, moderniser les infrastructures et repenser la dynamique économique et résidentielle du quartier.
Créer de nouveaux logements attractifs et accessibles
Pour accueillir de nouveaux habitants et renforcer l'offre résidentielle, l'opération prévoit la démolition de structures obsolètes, notamment à l'est du quartier, afin de libérer du foncier pour la construction de nouveaux logements. L'objectif ? Remettre à neuf l'offre résidentielle en remplaçant les immeubles vieillissants par des logements plus modernes, diversifiés et adaptés aux besoins actuels.
Parmi les chantiers emblématiques, les terrains de l'ancien collège Badiou accueilleront 150 nouveaux logements. Plus largement, le projet prévoit la démolition de 862 logements anciens, jugés inadaptés, pour laisser place à 1 206 habitations neuves. Ces nouveaux espaces mêleront logements individuels, habitats intermédiaires et petits collectifs, créant ainsi une mixité résidentielle entre propriétaires occupants et locataires du secteur privé et social.
Requalifier la centralité du quartier autour de la place Abbal
La place André Abbal, cœur historique du quartier, s'apprête à subir une transformation majeure dans le cadre du projet. Les structures en dalles, souvent perçues comme peu accueillantes, seront démolies pour laisser place à de nouvelles infrastructures visant à dynamiser le centre du quartier et à offrir des services de proximité plus qualitatifs.
Parmi les aménagements prévus, un nouvel îlot commercial de 790 m² verra le jour. Celui-ci abritera divers commerces, tels qu'une boucherie, une boulangerie, un salon de coiffure, une supérette de 300 m² et deux restaurants. Un appel à candidatures a été lancé en 2024 pour sélectionner les futurs commerçants. La livraison du bâtiment est prévue pour le printemps 2025n avec une ouverture des premiers commerces à l'été.
Un équipement culturel dédié à la danse de 3 000 m² est aussi prévu, afin d'enrichir l'offre culturelle locale et contribuer à l'attractivité du quartier.
Offrir un meilleur parcours de soin aux habitants
Dans le cadre du PRU, une nouvelle Maison de Santé Plurdiprofessionnelle (MSP) verra le jour sur la place André-Abbal. Ce projet, porté par des professionnels de santé, vise à répondre aux problématiques d'accès aux soins dans un quartier où l'offre médicale se raréfie.
D'une superficie de 1 310 m², cette structure regroupera sur trois niveaux une pharmacie en rez-de-chaussée, tandis que les premiers et deuxièmes étages accueilleront des praticiens libéraux. Dès son ouverture prévue fi, 2025, elle réunira cinq médecins généralistes, deux infirmiers, un psychiatre, un podologue, une sage-femme, un orthoptiste, un psychologue et une diététicienne.
L'objectif de cette MSP est double : favoriser la coordination des soins grâce à une mutualisation des moyens et développer des actions de prévention en collaboration avec les institutions de santé (ARS, CPAM, mairie, Conseil régional). La présence d'un service de médiation en santé permettra également d'accompagner les habitants dans l'accès aux soins et aux droits médicaux, optimisant ainsi la prise en charge des patients.
Pour le maire de Toulouse, ce projet répond à un enjeu majeur : lutter contre la désertification médicale qui s'intensifie en raison du vieillissement des médecins généralistes.
Valoriser le site du lac et du château de la Reynerie
Le parc et le lac de la Reynerie sont des éléments historiques du quartier. Pour y attirer de nouveaux visiteurs, le projet prévoit de réhabiliter le château et de construire une nouvelle base nautique.
Édifié au XVIIIème, le château a fait l'objet de travaux entrepris en juin 2019 afin de mettre le bâtiment aux normes d'accessibilité et de restaurer ses éléments architecturaux.
Le parc, étendu sur 12 hectares, a lui fait l'objet d'un réaménagement en octobre 2021 avec pour objectifs de revitaliser les berges du lac et améliorer les infrastructures existantes. Les travaux comprenaient la création de nouveaux cheminements piétons, l'installation de zones de jeux pour enfants et la mise en place d'éclairages publics modernes.
La base nautique quant à elle, a été inaugurée à l'été 2023 et offre aux habitants la possibilité de pratiquer diverses activités nautiques telles que le paddle, le canoë et le kayak.
Lutter contre le marché illégal de la place André-Abbal
Face aux défis sécuritaires qui persistent à la Reynerie, la municipalité de Toulouse intensifie ses efforts pour restaurer la tranquillité publique et lutter contre les activités illégales, en particulier sur la place André-Abbal, devenue au fil des années un point névralgique du commerce clandestin.
Des moyens renforcés pour la police municipale
Depuis 2014, la municipalité a déployé des moyens supplémentaires pour assurer une présence policière accrue dans le quartier. Les effectifs de la police municipale ont presque triplé, passant de 165 agents en 2014 à 390 aujourd'hui, permettant ainsi d'augmenter le nombre de patrouilles et d'étendre les horaires d'intervention. L'objectif est clair : ne pas laisser le terrain aux fauteurs de troubles et assurer une présence policière renforcée tout au long de la journée.
En parallèle, la vidéoprotection s'est fortement développée dans le secteur. Alors qu'aucune caméra n'était installée en 2014, 30 caméras surveillent désormais La Reynerie, dont 15 spécifiquement déployées dans le périmètre du Projet de Renouvellement Urbain (PRU). Ces dispositifs permettent non seulement d'améliorer la réactivité des forces de l'ordre, mais aussi de mieux identifier et confondre les délinquants impliqués dans des activités illégales.
Un projet qui divise les habitants du quartier
Une partie des habitants et des défenseurs du patrimoine architectural du quartier restent farouchement opposés aux démolitions prévues. Collectifs citoyens et architectures dénoncent un projet qui, selon eux, efface une partie de l'histoire du Mirail et ne prend pas suffisamment en compte la voix des riverains.
Depuis plusieurs années, le collectif citoyen "L'Assemblée d'habitants de La Reynerie" mène une lutte acharnée contre ce projet, estimant qu'il ne répond pas aux véritables besoins des résidents. Leur combat s'appuie notamment sur la préservation du patrimoine architectural conçu par l'architecte Georges Candilis, figure emblématique de l'urbanisme du XXème siècle. Le Collectif des Architectes en défense du patrimoine architecturel du Mirail partage cette opposition et s'élève contre la destruction de plusieurs immeubles construits par l'équipe Candilis-Jovis-Woods, considérant qu'il s'agit d'un plan majeur de l'architecture moderne que la ville s'apprête à faire disparaître.
Une enquête publique pour donner la parole aux citoyens
Face aux critiques et pour respecter la procédure, une enquête publique a été menée du 23 mai au 28 juin 2023. Cette consultation a permis aux habitants de prendre connaissance des détails du projet et d'exprimer leur avis, avant que l'État, via le préfet, ne se prononce sur l'utilité publique du projet.
Durant cette période, 53 habitants ont été reçus lors de cinq permanences organisées à la Maison de la Citoyenneté de La Reynerie. En parallèle, 132 contributions ont été déposées sous diverses formes (courriers, documents papiers ou numériques).