Malgré une pénurie foncière aiguë et un secteur du BTP fragilisé, Toulouse Métropole Habitat affiche des ambitions élevées. Le 19 mars, le vice-président de la Métropole, Bertrand Serp, a dévoilé le programme de chantiers et les objectifs fixés pour 2025 dans la Ville rose.
Parmi les objectifs affichés : mettre en service 500 constructions neuves chaque année, rénover 750 logements par an, franchir le seuil des 20 000 logements gérés d’ici à 2026 et porter à 80 % un parc datant de moins de quinze ans (neuf ou entièrement réhabilité). Une feuille de route 2025 de près de 90 millions d'euros, rythmée par plusieurs chantiers-phares et un programme énergétique qui vise la neutralité carbone à l'horizon 2030.
20 000 logements prévus à l'horizon 2026
Toulouse Métropole Habitat a annoncé vouloir détenir et gérer 20 000 logements à l'horizon 2026, contre un peu moins de 18 000 aujourd'hui. Cette croissance répond à deux réalités : une démographie métropolitaine qui gagne près de 10 000 habitants chaque année et un stock social encore insuffisant pour absorber la demande. Le conseil d'administration a tracé une trajectoire simple : augmenter l'offre neuve tout en relevant la qualité thermique de l'ancien.
Une cadence de production inédite
Pour franchir la barre des 20 000 lots, TMH prévoit 500 mises en service par an et les grues s'activent déjà sur plusieurs secteurs :
- ZAC Guillaumet, non loin de la gare Matabiau, où sortent de terre des immeubles mixtes mêlant logements familiaux et résidences étudiantes.
- Aéroconstellation à Blagnac, vitrine architecturale posée sur le tissu aéronautique du nord-ouest toulousain.
- Résidence Jaspe dans le quartier des Arènes, programme bas-carbone qui privilégie la terre crue et le photovoltaïque.
- Plusieurs résidences intergénérationnelles destinées à rapprocher seniors et jeunes actifs dans des bâtiments pensés pour l’entraide.
Accélérer la réhabilitation lourde
TMH envisage également 750 réhabilitations lourdes par an, soit plus de 2 300 logements traités durant la période 2024-2026. Les opérations se concentrent sur quatre secteurs emblématiques :
- Empalot, où les barres en béton armé retrouvent isolation, menuiseries performantes et façades colorées.
- Le Faubourg-Bonnefoy, proche du futur pôle d'échanges de la ligne C, qui bénéficie d'une restructuration complète.
- Casselardit, quartier mixte entre Purpan et la Garonne, retenu pour un chantier pilote de surélévation bois.
- Le groupe "La Garonne" à Saint-Cyprien, dont la mise aux normes vise le label BBC Rénovation.
L'objectif est de réduire d'au moins 40 % la consommation énergétique de chaque bâtiment et hisser 80 % du parc sous la barre des 15 ans d'âge technique.
90 millions d'euros pour bâtir et rénover
Le conseil d'administration de Toulouse Métropole Habitat a voté en octobre 2024 une enveloppe de 90 millions d'euros pour l'exercice 2025. La somme se décompose en 54 millions dédiés aux logements neufs et 36 millions réservés aux réhabilitations lourdes.
Le programme d'investissement s'appuie sur montage éprouvé :
- Fonds propres : la trésorerie du bailleur mobilise 22 millions d'euros, issus des loyers et des cessions de logements anciens.
- Emprunts long terme : 48 millions proviennent de lignes ouvertes auprès de la Banque des Territoires et d'Action Logement à des taux bonifiés.
- Subventions et aides ciblées : la Ville de Toulouse accorde 6 millions pour la production sociale, la Métropole ajoute 4 millions via son fonds climat, et l'Agence nationale de l'habitat complète le plan de réhabilitation à hauteur de 10 millions, répartis entre prime Habiter Mieux et certificats d'économies d'énergie.
Ce triptyque propres / dettes / subventions permet à TMH de limiter la pression sur les loyers tout en maintenant un rythme élevé d'investissements.
Des partenaires publics en première ligne
La Caisse des Dépôts reste l'architecte principal du financement : elle fournit les deux tiers des prêts, à des taux indexés sur le livret A et sur la base d'échéances étalées jusqu'à quarante ans. La Ville de Toulouse, actionnaire du bailleur, flèche ses subventions sur les programmes les plus vertueux en matière d'inclusion sociale. De son côté, Toulouse Métropole injecte des aides sous forme de bonifications foncières, afin de compenser la flambée du prix du terrain.
Grâce à ce schéma, chaque euro d'argent public attire environ 3,5 euros d'emprunt et de fonds propres. TMH peut ainsi financer à la fois la livraison des nouvelles opérations - Jaspe, Guillaumet, Aéroconstellation - et la mise à niveau thermique des ensembles d'Empalot, Casselardit ou Faubourg-Bonnefoy, sans alourdir la dette au-delà de son plafond prudentiel.
4 chantiers phares à surveiller en 2025
Faubourg-Bonnefoy – 300 logements entièrement repensés
Aux portes de la future ligne C, la barre "B 20" et les plots attenants entrent dans une profonde phase de transformation. À l'intérieur : réagencement des appartements, création de loggias vitrées et reprise complète des réseaux techniques de l'immeuble. À l'extérieur : isolation par lames minérales, façades de briques pleines et patios végétalisés. Le chantier, lancé au printemps 2024, s'étale sur 24 mois ; il se déroule en site occupé, avec relogement tournant de 20 familles à chaque phase.
Empalot : grande cure thermique
Construites en béton brut, les tours Garonne et Ariège affichaient une étiquette énergétique E. Le programme prévoit remplacement des menuiseries, isolation des pignons en laine de roche et raccordement à la nouvelle chaufferie biomasse du quartier. Les 196 logements voient leurs charges de chauffage promises à -40%. Livraison des premiers étages rénovés en octobre 2025 ; fin des travaux un an plus tard.
Casselardit : surélévation bois, zéro mètre carré de foncier consommé
Face à Purpan, trois immeubles R+4 accueillent chacun deux niveaux additionnels en ossature bois. Gain net : 38 logements familiaux, tous certifiés RE2020-2025. Les ascenseurs sont prolongés, les gaines techniques montent jusqu'au nouveau toit-terrasse végétalisé. Bénéfice collatéral : les copropriétaires existants profiteront d'une isolation neuve financée en partie par la vente des plateaux créés.
Résience Jaspe : 84 appartements "bas carbone"
Dernière-née du programme, Jaspe se distingue par son mur manteau en briques de terre crue venues de la briqueterie Rairies-Montrieux. Les dalles portent un isolant en chaux-chanvre ; un champ photovoltaïque de 150 kWc couvre 60 % des besoins électriques des parties communes. Les 84 logements (du T1 au T5) se répartissent autour d'un atrium traversant. Livraison calée au quatrième trimestre 2025, avec une ambition : un bilan carbone deux fois inférieur au seuil réglementaire.
Débloquer le marché social grâce au BRS
La métropole toulousaine cruellement de logements sociaux : la file d'attente a franchi les 45 000 demandes en 2024, un record local. Toulouse Métropole Habitat (TMH), premier bailleur public de l'agglomération avec plus de 19 000 logements – dont la moitié situés en quartiers prioritaires – se retrouve en première ligne. Sous l'effet du blocage du marché (le taux de rotation n'atteint plus que 5,9 %, niveau proche de l'Île-de-France), l'organisme cherche de nouveaux ressorts pour fluidifier les parcours et ouvrir un horizon d'accession aux ménages modestes .
Dernière piste activée : le bail réel solidaire (BRS). Le principe sépare le sol du bâti : l'organisme foncier solidaire conserve la propriété du terrain, l'acquéreur n'achète que les murs et verse une redevance foncière modique. Résultat : un ticket d'entrée allégé de 20 à 30 % par rapport aux prix classiques. Ce montage élargit la solvabilité sans brader l'objectif social, puisque la revente reste encadrée
souligne Luc Laventure, directeur général de TMH. Les premiers dossiers – entre cinq et dix contrats pilotes – doivent aboutir à l'été 2025, aussi bien sur du neuf que sur de la rénovation.
Le BRS s'ajoute aux outils déjà déployés depuis 2015 : cession de logements existants aux locataires, location-accession, achats en VEFA sociale. Autant de leviers qu'utilise TMH pour créer des sorties vers la propriété, libérer des logements locatifs et maintenir, in fine, l'équité d'accès au parc social métropolitain.
De nouveaux outils connectés proposés par TMH
TMH & Moi
Depuis janvier, chaque occupant reçoit un identifiant unique pour accéder à "TMH & Moi", une application enrichie de trois services clés : paiement du loyer en un clic via Paylib, signalement de sinistre photo, suivi en temps réel de l'avancement de la demande. L'outil regroupe également les documents du bail et les comptes rendus d'assemblée générale, afin de réduire les envois papier. Au lancement, plus de 12 000 utilisateurs se sont connectés au moins une fois ; TMH table sur un taux de pénétration de 80 % d'ici fin 2025.
Capteurs IoT
Dans les cages d'escalier rénovées, de petits boîtiers radio surveillent l'eau, la chaleur et l'électricité communes. Les relevés se téléchargent chaque nuit sur la plateforme du bailleur, qui détecte les fuites ou les dérives de consommation sous 48h. Le locataire retrouve ses courbes dans l'application mobile, avec un comparatif anonyme par tranche de surface. Sur les chantiers pilotes de Casselardit et Empalot, les premières analyses affichent déjà une baisse de 12 % de l'eau consommée et de 9 % du chauffage collectif par rapport à l'hiver précédent.
Le curseur maintenu sur la neutralité carbone en 2030
Pour viser un parc immobilier proche du zéro émission nette, Toulouse Métropole Habitat adopte quatre leviers complémentaires :
Des labels exigeants pour tous les programmes neufs
Chaque permis déposé depuis janvier obéit à la RE2020 niveau 2025 ; les opérations les plus avancées franchissent déjà le seuil E3C1. Les bâtiments limitent ainsi leur consommation d'énergie primaire à moins de 75 kWh/m², tout en réduisant l'empreinte carbone du chantier grâce à des matériaux faiblement émissifs.
Des panneaux photovoltaïques sur les toits
Les futures résidences intègrent de vastes surfaces photovoltaïques. Les études de dimensionnement fixent une puissance minimale de 1 kWc pour 20 m² de plancher. L’électricité couvre l’éclairage des parties communes et alimente les pompes à chaleur collectives, ce qui diminue la facture d’énergie des locataires.
Des pompes à chaleur collective pour remplacer les chaudières gaz
Sur les ZAC Guillaumet et Aéroconstellation, les chaufferies bois ou gaz laissent place à des PAC eau – eau raccordées à un réseau basse température. Les sondes géothermiques plongent à une centaine de mètres et garantissent un coefficient de performance supérieur à 3. L'hiver, la chaleur résiduelle des eaux grises alimente également le système.
Une isolation 100 % biosourcée dans les rénovations lourdes
Les réhabilitations d'Empalot et Casselardit misent sur des matériaux biosourcés tels que des façades en laine de chanvre, des plafonds en ouate de cellulose et des planchers habillés de fibres de bois. Les études thermiques annoncent un gain de 40 % sur les besoins en chauffage et un déphasage accru en période de canicule.
Calendrier 2025
- Premier trimestre en 2025 : publication des appels d'offre pour la construction de 500 logements neufs et la rénovation de 750 autres. Les marchés portent sur le gros œuvre, les lots techniques et les fournitures biosourcées.
- Deuxième et troisième trimestres 2025 : signature des marchés, pose des premières pierres sur Guillaumet, Aéroconstellation et Casselardit, démarrage des travaux intérieurs à Empalot et Faubourg-Bonnefoy. Le conseil d'administration réalise deux visites de chantier pour valider la conformité aux labels RE2020-2025 et E3C1.
- Quatrième trimestre 2025 : premières livraisons – une tranche de 84 logements bas carbone à la résidence Jaspe et 120 appartements réhabilités à Empalot. Les rapports de fin d'exercice consolident les gains énergétiques et actualisent la trajectoire carbone.